L’empreinte environnementale du plastique est énorme. Nous ne pouvons plus l’ignorer. Et depuis des années, les scientifiques cherchent des solutions pour rendre ce matériau plus « eco-friendly ». Aujourd’hui, une équipe avance une idée étonnante. Donner vie au plastique pourrait aider à en dégrader rapidement les déchets.


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    D'un point de vue environnemental, le plastique a pas mal de défauts. Il est, historiquement au moins, fabriqué à partir de ressources fossiles et bourrés d'additifs en tous genres. Ses déchets s'accumulent en plus dans la nature. Parce que sa production ne ralentit pas. Mais aussi parce qu'il lui faut un temps infini pour se dégrader. Les experts s'attendent ainsi à ce que des milliers de millions de tonnes de déchets plastiques soient produites d'ici 2050.

    Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego (États-Unis) ont développé un <em>« plastique vivant »</em> biodégradable à partir de granulés de polyuréthane thermoplastique (à gauche) et de spores de <em>Bacillus subtilis</em> (à droite). © David Baillot, <em>UC San Diego Jacobs School of Engineering</em>
    Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego (États-Unis) ont développé un « plastique vivant » biodégradable à partir de granulés de polyuréthane thermoplastique (à gauche) et de spores de Bacillus subtilis (à droite). © David Baillot, UC San Diego Jacobs School of Engineering

    Les bioplastiques, une solution ?

    Parmi les solutions envisagées, les bioplastiques. L'appellation est séduisante. Toutefois, notons qu'elle cache deux réalités. Un bioplastique peut ainsi désigner un plastique biosourcé. Comprenez qu'il est produit à partir de biomasse et non plus de pétrolepétrole. Mais le terme bioplastique peut aussi se rapporter à un plastique biodégradablebiodégradable. Il peut alors toujours être fabriqué à partir de pétrole. Il doit cependant se dégrader en éléments simples dans certaines conditions.

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    Tout ça fait qu'à ce jour, les bioplastiques ne règlent pas réellement le problème. Car ces plastiques, même s'ils sont biosourcés, continuent de finir dans la nature où ils sont aussi néfastes que leurs cousins issus des ressources fossiles. Et lorsqu'ils sont présentés biodégradables, c'est souvent, pour l'heure, dans des conditions tellement particulières qu'ils ne se dégradent en rien dans la nature. Des chercheurs de la Scripps Institution of Oceanography (États-Unis) ont d'ailleurs récemment rapporté dans la revue PLOS One comment ils ont observé des bioplastiques qui sont restés plus d'un an dans l'océan sans du tout se dégrader.

    L’équipe de l’université de Californie a produit des bandes de polyuréthane thermoplastique vivant dont elle a ensuite testé la biodégradation. © Jon Pokorski, <em>UC San Diego Jacobs School of Engineering</em>
    L’équipe de l’université de Californie a produit des bandes de polyuréthane thermoplastique vivant dont elle a ensuite testé la biodégradation. © Jon Pokorski, UC San Diego Jacobs School of Engineering

    Des bactéries mélangées au plastique dès sa formulation

    Doit-on comprendre qu'en matière de plastiquesmatière de plastiques, c'est l'impasse ? Pas forcément. Des chercheurs de l'université de Californie à San Diego (États-Unis) proposent en effet aujourd'hui une solution innovante. Dans la revue Nature Communications, ils présentent une nouvelle forme de polyuréthane thermoplastiquethermoplastique (TPU). Classiquement, ce plastique durable et souple se retrouve notamment dans les chaussures, les tapis ou encore les coussins. Et celui que les chercheurs ont développé a ceci de particulier qu'il est pour ainsi dire... vivant !

    Pour arriver à leurs fins, les chercheurs ont mélangé à des pastilles de TPU, des spores d’une bactérie capable de décomposer les plastiques. par spores, comprenez une forme dormante d'une souche de Bacillus subtilisBacillus subtilis - une bactériebactérie utilisée aussi dans les probiotiquesprobiotiques et réputée sans danger pour les humains et les animaux et même potentiellement bonne pour les plantes - développée pour résister à des conditions environnementales difficiles. Parce que le tout doit être fondus à quelque 135 °C puis extrudés pour former de fines bandes qui permettraient de tester la biodégradabilité de ce plastique.

    En haut, des bandes de TPU ordinaire et en bas du <em>« TPU</em> <em>vivant »</em> à différents stades de décomposition sur cinq mois de compostage. © David Baillot, UC San Diego Jacobs School of Engineering
    En haut, des bandes de TPU ordinaire et en bas du « TPU vivant » à différents stades de décomposition sur cinq mois de compostage. © David Baillot, UC San Diego Jacobs School of Engineering

    Un plastique vivant qui se dégrade tout seul

    Ces bandes ont ensuite été placées dans un compost maintenu à 37 °C et sous une humidité tournant autour de 50 %. L'eau et les nutrimentsnutriments contenus dans le compostcompost ont fait germer les bactéries. Et celles-ci ont réussi à dégrader le plastique à 90 % en cinq mois seulement. Sans que l'intervention d'autres microbesmicrobes soit nécessaire.

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    Cerise sur le gâteau. Il s'avère que les spores de Bacillus subtilis se comportent comme des charges qui renforcent le polyuréthane thermoplastique. Comme des barres d'armaturearmature dans le bétonbéton. Ainsi le TPU biodégradable et vivant proposé par les chercheurs de l'université de Californie demande-t-il plus de force pour être cassé et présente-t-il en même temps une plus grande extensibilité.

    Reste tout de même aux chercheurs à étudier dans le détail les produits de la dégradation de ce nouveau plastique par les bactéries. Puis à optimiser l'approche pour une production à l'échelle industrielle. Ils espèrent non seulement réussir à produire du TPU biodégradable par kilos et faire encore évoluer leurs bactéries pour qu'elles décomposent le plastique plus rapidement, mais surtout étendre la méthode à d'autres types de plastiques.